jueves, 27 de noviembre de 2014

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Sur la rive où nous allions accoster, je vis une silhouette féminine. Je la reconnus facilement. Une femme se tenait au bord de l’eau et, la main en visière, elle regardait le bac qui glissait lentement dans la coulée orange du soleil bas.

C'était Véra. Elle vivait dans une petite isba à la sortie du village. Tout le monde la disait folle. Nous savions qu'elle resterait comme ça jusqu'à ce que tous les passagers soient descendus sur la berge et soient remontés vers le village. Alors, elle s'approcherait du passeur et lui poserait une question à voix basse. Personne ne savait ni ce qu'elle disait, ni ce que Verbine lui répondait.
Depuis des années et des années, elle descendait sur la rive et attendait quelqu'un qui ne pouvait venir qu'en été, que le soir, que dans la lenteur somnambulique de ce vieux bac noirci par le temps. Elle regardait, sûre de pouvoir distinguer, un jour, dans la foule endimanchée, son visage…

Andrei Makine

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